Le saint prpuce est le nom donn ce qui serait la relique du prpuce de Jsus de Nazareth1. certaines poques o fleurissait le culte des reliques les plus tonnantes, des glises ont prtendu dtenir ce souvenir de la Circoncision de Jsus, comme d'autres du mme genre, tels son cordon ombilical ou ses dents de lait.
Contexte thologique et historique [modifier]
En tant que juif, Jsus a t circoncis le huitime jour aprs sa naissance (vangile de Luc, II, 21 ; voir aussi Colossiens II, 11). Mais l'ide que le prpuce de Jsus ait t conserv, et que, de plus, il ait t transmis travers les ges, n'a aucun caractre de vraisemblance historique puisque, selon la coutume [rf. ncessaire], les juifs l'enterrent aprs la circoncision. C'est une chose qui n'a pas chapp mme la pit nave du Moyen Age, et qui explique le succs trs variable des diffrentes tentatives qui ont t faites ici et l pour faire croire qu'on le possdait.
Ainsi, par exemple, l'abbaye de Conques, qui tait dans ce cas, n'a russi devenir un centre de plerinage qu'aprs avoir rcupr Agen les reliques de la jeune martyre sainte Foy. Le saint prpuce n'intressait personne. Cependant, dans le doute o l'on tait sur l'authenticit de ce genre de reliques, il tait hors de question de les dtruire, et c'est ce qui explique leur multiplicit.
Vue du revers du reliquaire de Coulombs
Cependant, l'abbaye de Coulombs, une croyance locale prtait au saint prpuce le pouvoir d'apporter la fcondit aux femmes striles2 et un accouchement sans difficult aux femmes enceintes3. Alors que Catherine de Valois tait enceinte en 1421, son mari, le roi Henri V d'Angleterre, qui une bulle du pape Martin V accordait le privilge de pouvoir dplacer les reliques4, fit emprunter et apporter son pouse, en Angleterre, le saint prpuce de l'abbaye de Coulombs5. La relique fut ensuite renvoye en France et expose la Sainte-Chapelle, Paris6. Les moines bndictins de Coulombs durent s'adresser en 1427 au duc de Bedford, rgent du jeune Henri VI, pour la faire transfrer l'abbaye Saint-Magloire de Paris7, puis en 1441 au roi de France Charles VII pour en reprendre possession, sans toutefois pouvoir lui faire quitter Paris. C'est Jean Lamirault, abb de Coulombs de 1442 14468, qui fit revenir la relique Coulombs9.
Lieux de conservation [modifier]
Au Moyen ge, il y eut jusqu' quatorze « saints prpuces » conservs dans diverses villes europennes10 et gnralement mls des collections de reliques du mme genre : dents de laits de l'Enfant Jsus, saint ombilic.
La premire trace d'une relique du saint prpuce est celle qui aurait t donne au pape Lon III par Charlemagne lors de son couronnement, le 25 dcembre 800. On raconte aussi que c'est un ange qui le lui avait apport pendant qu'il priait devant le Saint-Spulcre (alors qu'il n'a jamais quitt l'Europe). Une autre tradition en fait un cadeau de mariage offert par l'Impratrice de Byzance, Irne l'Athnienne. Le pape l'aurait plac dans le Sancta santorum de la Basilique de Latran Rome avec d'autres reliques. Il s'agit dans tous les cas de lgendes tardives dont aucune ne s'appuie sur un document d'poque carolingienne.
En plus de Rome, d'autres lieux ont prtendu dtenir le saint prpuce : en Espagne, Saint-Jacques-de-Compostelle ; en Allemagne, Hildesheim ; en Belgique, Anvers11; en France Metz, Besanon, Langres, Fcamp, Chartres, ainsi queCoulombs qui se trouve aussi dans le diocse de Chartres ; la cathdrale du Puy-en-Velay, le monastre de Conques, les glises de Charroux (o l'on faisait galement remonter la donation de cette relique Charlemagne) et de Vebret12.
Voltaire, dans son Dictionnaire philosophique, y ajoute Compigne13, mais il se trompe, car la relique qui tait conserve au monastre Saint-Corneille de Compigne n'tait que le couteau qui aurait servi oprer la circoncision de Jsus14. On avait de mme l'glise romaine de San Jacopo in Borgo la pierre sur laquelle on avait circoncis l'Enfant15.
Une autre liste allemande y ajoute l'Abbaye d'Andechs en Bavire (et le Quid Clermont, mais il semble que ce soit par confusion avec un morceau du saint ombilic qui y tait conserv).
Situation actuelle [modifier]
Plusieurs saints prpuces, comme tant d'autres reliques, ont t dtruits pendant la Rvolution franaise.
glise
Santissimo Nome di Ges (
du Trs Saint Nom de Jsus) Calcata
Le village italien de Calcata mrite une mention spciale. En 1557, on y aurait dcouvert le saint prpuce, vol trente ans auparavant par un soldat allemand lors du sac de Rome de 152716. Jusqu'en 1983, une procession o l'on vnrait ce saint prpuce parcourait les rues du village le 1er janvier, jour o selon une tradition, qui n'est pas antrieure au vie sicle, Jsus aurait t circoncis. Mais des voleurs s'emparrent du reliquaire et de son contenu, ce qui mit un terme cette crmonie.
Il ne semble plus y avoir d'autres saints prpuces en Italie17; celui d'Anvers a disparu en 1566; mais il reste en France au moins ceux de Conques et de Vebret.
chos suscits par le saint prpuce [modifier]
Priodiquement le thme de cette relique a t agit pour tourner en drision certains aspects du catholicisme.
- Dans son Trait sur la tolrance (1763), Voltaire s'est moqu de la vnration au saint prpuce, la considrant toutefois comme une superstition moins dangereuse que de dtester et de perscuter son prochain. Dans son Dictionnaire philosophique (1764), l'article « Prpuce », il remarque plus simplement « qu'il y a peut-tre un peu de superstition dans cette pit mal entendue ».
- En 1887, les libres-penseurs G. W. Foote et J. M. Wheeler, dans leur ouvrage Crimes of Christianity (Les crimes du christianisme) rapportent une fable extravagante, selon laquelle un auteur catholique, Leone Allacci (1586-1669), aurait mme crit un trait Sur le Prpuce de Notre-Seigneur Jsus-Christ, destin dmontrer que lors de son Ascension, Jsus aurait vu son prpuce, mont au ciel avec lui, donner naissance aux anneaux de la plante Saturne, dcouverts en 161021.
- Enfin, en 2007, ce type de relique a fait l'objet de divers canulars obscnes22, rpercuts en particulier dans un article du Guardian reproduit dans Courrier international23.
Iconographie de la circoncision de Jsus [modifier]
Les artistes-peintres suivants ont trait de ce thme chrtien dans leurs uvres :
- Jean Calvin, Trait des Reliques, 1543
- Patrice Boussel, Des Reliques et de leur bon usage, 1971
- Jacques Albin Simon Collin de Plancy, Dictionnaire critique des reliques et des images miraculeuses, 1821, p. 46-50
- Alphons Victor Mller, Die hochheilige Vorhaut Christi im Kult und in der Theologie der Papstkirche, Berlin, 1907
- Robert P. Palazzo, The Veneration of the sacred foreskin(s) of baby Jesus : a documented analysis, Multicultural Europe and cultural exchange in the Middle Ages and Renaissance, ed. James P. Helfers, Turnhout (Belgium), Brepols, 2005
- Roger Peyrefitte, Les Cls de saint Pierre : roman, Paris, Flammarion, 1955, p. 307-328 (runion de la congrgation du saint office au sujet du culte rendre au saint prpuce) et p. 359-372 (visite Calcata)
Notes et rfrences [modifier]
- Dans l'avis liminaire de son roman Les Cls de saint Pierre, l'crivain Roger Peyrefitte, connu pour son purisme, explique qu'il convient de suivre, pour les noms religieux, l'orthographe du dictionnaire Littr, « seule autorit en matire de langue franaise. C'est ainsi que saint-sige, saint-pre, saint office, saint prpuce, sacr collge sont crits avec une minuscule [...] »
- P. Saintyves, « Les reliques et les images lgendaires », Mercure de France, 1912, cit par Jean-Claude Muller, « Les deux fois circoncis et les presque excises. Le cas des D de l'Adamaoua (Nord Cameroun) » [archive], Cahiers d'tudes africaines, Anne 1993, Volume 33, Numro 132, p. 534 [Il faudrait cependant vrifier cette assertion, donne ici de troisime main]
- Selon Collin de Plancy, Dictionnaire critique, t. II, p. 47 (qui s'appuie sur Thiers, Trait des superstitions, t. I, liv. II, chap. Ier) : « On le montrait aux femmes grosses, enchss dans un reliquaire d'argent, afin de les faire accoucher sans travail ; et ce prpuce tait d'un bon revenu. »
- Auguste Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, roi de France, et de son poque, 1403-1461, p. 295 [archive]
- Rapport de M. Merlet sur Coulombs, Lormaye et Pierres, sance du 3 mai 1860, Procs verbaux de la Socit Archologique d'Eure-et-Loir, tome 1, p. 236 [archive], Chartres, Petrot-Garnier, 1861
- Charles Mtais, Archives du diocse de Chartres, volume 15 p. 19 [archive], 1908
- Charles Mtais, Archives du diocse de Chartres, volume 15, p. 19 [archive], 1908 ; une « Charte d'Henri, roi d'Angleterre, o il est fait mention que la relique du saint prpuce fut porte en Angleterre aux couches de la reine sa mre et depuis Saint-Magloire (1427) » est enregistre dans Lucien Merlet, Ren Merlet, Archives dpartementales d'Eure-et-Loir, Inventaire-sommaire des archives dpartementales antrieures 1790, volume 8, p. 146 [archive], 1968 ; Alfred Darcel (Gazette des Arts, 1865, p. 483) en donne l'extrait suivant : « lequel reliquaire avoient accoutum de souvent, en grant dvotion, venir visiter en grant affluence de femmes notables, quant elles toient enceintes, pour en estre beneittes et soignes. »
- Jean-Paul Detournay, Nogent-le-Roi et son canton: tude historique, p. 100 [archive], 1984
- Charles Mtais, Archives du diocse de Chartres, volume 15, p. 19 [archive], 1908
- Franois Brossier, Les reliques l'preuve du doute, in Le Monde de la Bible n° 190, septembre-octobre-novembre 2009, p. 39
- Jusqu’en 1570, les chanoines de la cathdrale Notre-Dame d’Anvers auraient apport chaque anne Lierre, le samedi aprs le 17 octobre, une chasse contenant notamment le saint prpuce (selon Le baron de Reinsberg-Dringsfeld, Traditions et lgendes de la Belgique [archive], 1870, t. 2, p. 174)
- Il y est conserv dans un reliquaire de l'glise paroissiale avec des reliques du Saint-Spulcre, des pierres de la lapidation de saint tienne et des reliques de saint Louis, selon une notice de Marceline Brunet pour l'Inventaire gnral, 1993 (Rfrence: IM15000146, dossier consultable au Service rgional de l'inventaire Auvergne)
- Article « Prpuce » du Dictionnaire philosophique [archive] : « Les chrtiens ont, depuis longtemps, la circoncision en horreur ; cependant les catholiques se vantent de possder le prpuce de notre Sauveur ; il est Rome dans l’glise de Saint-Jean-de-Latran, la premire qu’on ait btie dans cette capitale ; il est aussi Saint-Jacques-de-Compostelle en Espagne ; dans Anvers ; dans l’abbaye Saint-Corneille Compigne ; Notre-Dame-de-la-Colombe, dans le diocse de Chartres ; dans la cathdrale du Puy-en-Velay ; et dans plusieurs autres lieux. »
- Collin de Plancy, Dictionnaire critique, II, p. 49
- Ibid.
- Collin de Plancy, Dictionnaire critique, t. II, p. 47-49
- Dans un documentaire pour la chane de tlvision Channel 4 diffus en 1997, le journaliste britannique Miles Kington parcourut l'Italie sa recherche, mais en vain.
- Cit par Collin de Plancy, Dictionnaire critique, II, p. 46
- « Au commencement du dernier sicle, pendant la Rgence, l'vque Noailles, considrant que ce saint prpuce tait l'objet d'un culte souvent scandaleux, surtout de la part des femmes, et se doutant bien que c'tait une fausse relique, voulut la faire examiner. Elle tait dans un morceau de velours rouge ; un chirurgien, aprs avoir ouvert le velours, n'y trouva qu'un peu de poudre ; il la mit sur sa langue, et dclara que le prtendu prpuce n'tait qu'une poussire de sable. On appela depuis ce chirurgien croque-prpuce ; mais il n'y eut plus de prpuce Chlons-sur-Marne. » (Dictionnaire critique, p. 47)
- Tome III, p. 230. Il explique qu'il a t induit en erreur par le fait que dans le pays on appelait familirement cet ombilic le saint prpuce.
- De Praeputio Domini Nostri Jesu Christi Diatriba, cite par G. W. Foote et J. M. Wheeler, Crimes of Christianity, 1887, t. I, chapitre 5, p. 94 [archive]
- Ainsi la mystique Catherine de Sienne l'aurait reu comme anneau nuptial ; une autre, sainte Brigitte, l'aurait port ses lvres et par l prouv des sensations orgasmiques ; un auteur catholique l'aurait identifi aux anneaux de Saturne rcemment dcouverts, etc.
- Article Guardian-Courrier international [archive]
Articles connexes [modifier]
- Reliques semblables
- Divers
Liens externes [modifier]
- Relique de Coulombs :
- Reliquaire, ou triptyque, en forme de chapelle
- Crucifix en ivoire (vestige du reliquaire primitif : « Une bordure en filigranes orne de pierres cabochons lui sert de bordure. Si nous comprenons bien la description sommaire qu'en donne un passage du xve sicle, des lames de cristal de roche serties dans cette bordure durent garnir le revers de la croix, ou du moins la cavit dans laquelle le saint prpuce tait enferm sous la croix. Cette croix, peut-tre mobile sur sa garniture, servait ainsi de reliquaire. L'usure qui a effac les traits du Christ est l'indice de nombreux frottements expliqus par les prgrinations que ce reliquaire a faites et par l'usage auquel il tait destin. » Alfred Darcel, Histoire de l'abbaye de Coulombs de M. Lucien Merlet, Gazette des Arts, tome XVIII, janvier-juin 1865, p. 481)